Dans un contexte où les réseaux sociaux sont devenus le lieu de tous les débats, la lutte contre la haine en ligne devient un enjeu démocratique crucial pour garantir l’autre face de la liberté d’expression : la sécurité d’expression. La décision récente de plusieurs personnalités engagées dans les luttes écologistes et féministes de quitter le réseau social X met en lumière cette problématique pressante. Aujourd’hui, prendre la parole s’accompagne d’une prise de risque. Et non, aujourd’hui, la Justice ne protège pas suffisamment.

Petit point légal

L’article 150 de la Constitution belge a été initialement conçu pour protéger la liberté de presse contre la censure, et englobe aujourd’hui encore ’toute communication écrite et publique’. Vous voyez venir le problème ? À  l’époque, cette définition concernait la presse. Aujourd’hui, avec l’avènement des réseaux sociaux, elle s’est élargie aux mots publiés par des lambdas sur les plateformes, devenant un obstacle dans la lutte contre le harcèlement et la discrimination en ligne. Les propos illégaux tels que le harcèlement sexiste, les injures homophobes, et les propos discriminatoires basés sur le handicap ou la religion, nécessite une décision de la Cour d’assise. Or, en pratique, le parquet ne convoque presque jamais une Cour d’assise pour ces infractions, entraînant une dépénalisation de fait et dissuadant les victimes de porter plainte. 

En 1999, un cadre anti-discrimination a été mis en place, permettant de traiter les cas de racisme et de xénophobie au tribunal correctionnel, bien plus facile à réunir. Mais la Belgique protège 19 critères de discrimination reconnus. Cette réforme a donc laissé sur le bord de la route le sexisme en ligne, les messages à caractère LGBTQIAphobes, les attaques qui concernent la religion, l’apparence physique, le handicap, et j’en passe.

Changer de cadre

Ce contexte a conduit à des appels pour une révision de l’article 150 de la Constitution. Le but est de rendre effectif l’accès à la justice pour les victimes de haine en ligne, sans pour autant limiter la liberté d’expression. Cette réforme vise à étendre la compétence du tribunal correctionnel en matière de délits de presse pour inclure tous les propos discriminatoires inspirés par les 19 critères reconnus en Belgique.

Un projet concret est déjà sur la table du fédéral, porté par ma collègue députée fédérale Ecolo Claire Hugon. La proposition nécessite l’approbation des deux tiers des élus et des élues pour être adoptée. Sans surprise, la NVA et le Vlaams Belang s’y opposent, tristement rejoints par le PTB.

Cette réforme urgente vise à renforcer la confiance des citoyens dans le système judiciaire et à lutter contre le sentiment d’impunité. Elle reconnaît la nécessité de traiter efficacement les plaintes liées à la haine en ligne, qui sont souvent compliquées à traiter sur bien des aspects, notamment la collecte des preuves, le manque d’outils de la Police, et j’en passe. Les partis ne peuvent rester silencieux face à ces délits.

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