Agnès Varda, Chantal Akerman, Marion Hänsel, Delphine Noels. J’ai pu en citer 4, sans réfléchir. Mais le même exercice pour les hommes célèbres du cinéma belge me conduirait à une liste bien plus longue. En effet, les femmes sont sous-représentées dans les rôles clé de l’industrie cinématographique belge, tels que la réalisation et le scénario. Cela peut s’expliquer par des barrières structurelles, comme le manque de financement et d’opportunités pour les femmes dans l’industrie cinématographique, ainsi que des préjugés de genre qui limitent l’accès des femmes à ces postes. Petit topo en 2023.

Aucune semaine ne passe sans que la question de la représentation des femmes au sein de nos sociétés ne soit abordée. Si la participation des femmes dans tous les éléments constitutifs de la société est un droit humain fondamental, à l’échelle mondiale il n’en est rien. Sous-représentées dans l’industrie cinématographique belge par exemple, elles subissent parfois et de façon simultanée, de multiples formes d’inégalités. Et ces inégalités s’entretiennent à la fois dans les coulisses des films, que dans les salles de cinéma.

Derrière l’écran, les rémunérations y sont souvent inégalitaires, les métiers répartis de manière très stéréotypées (surreprésentation des femmes chez les costumières, sous représentation de celles-ci chez les ingénieurs son), et plus encore pour les personnes issues de minorités qui rencontrent des difficultés supplémentaires pour accéder à cette industrie. Le nerf de la guerre : les financements. Ceux-ci restent majoritairement inégalitaire également, ce qui permet à moins de films pilotés par des femmes et des minorités de voir le jour.

A titre d’exemple, l’écart moyen de salaire entre les hommes et les femmes dans le monde du cinéma français est de 23,4% entre les auteurs et les autrices.

Source : étude CNC (France), 2016-2019.

Février et mars 2023 : les Oscars et les Césars. Constat ? Le prix de la meilleure réalisation, du meilleur scénario original, de la meilleure musique de film ou encore du meilleur film international reviendra à un homme. Aucune femme citée au sein de ces prestigieuses catégories.

À l’écran, les stéréotypes viennent également renforcer ces inégalités, limitant la représentation des femmes dans certaines catégories de films ou de rôles. Les femmes sont ainsi souvent reléguées à des rôles secondaires ou réifiée et sexualisées, tandis que les hommes occupent plus fréquemment des rôles de héros moteurs de l’histoire et de leaders.

L’origine de cela : le « male gaze ». Un concept théorisé par la féministe Laura Mulvey, qui décrit la tendance du cinéma à objectifier les femmes à travers les yeux masculins.

Construire de nouveaux récits

Ce que nous voyons à l’écran, est le résultat de tout un imaginaire collectif. La représentation est importante : elle donne le sentiment d’appartenir à la société dans son ensemble et, sans cela, aucune avancée réelle n’est possible. Michelle Yeoh, première femme d’origine asiatique à remporter l’Oscar de la meilleure actrice cette année s’est confiée à ce propos : « Pour tous les petits garçons et les petites filles qui me ressemblent et qui regardent ce soir, ceci est un symbole d’espoir et de possibilités. C’est l’Histoire en marche. »

Changer les mentalités. Déconstruire les idées reçues et faire bouger les choses comme chez nous. En effet, il existe en Belgique, des initiatives et des actions entreprises pour favoriser l’égalité des genres dans l’industrie du cinéma, comme le festival Elles Tournent, l’association Elles Font des films, les cercles féministes des écoles de cinéma, etc. Il y a une prise de conscience croissante de l’importance de l’égalité des genres dans l’industrie cinématographique et des efforts pour y parvenir.

Des mesures politiques sont progressivement mises en place, notamment par la Ministre Linard, afin de promouvoir l’égalité des genres et des minorités dans l’industrie cinématographique.

Pour aller plus loin, on peut imaginer d’introduire des critères d’équité de genre ou d’encourager la représentation de minorités, les gouvernements peuvent soutenir financièrement des projets qui cherchent à promouvoir l’inclusion et la diversité dans l’industrie cinématographique. Une obligation de quotas pour les femmes ou les minorités pourrait également encourager les producteurs à rechercher des talents issus de ces groupes. Enfin, en encourageant l’accès des femmes et des minorités à des programmes de formation et de mentorat, les gouvernements peuvent aider à réduire les barrières structurelles qui limitent leur accès à l’industrie cinématographique.

Quelques chiffres pour ouvrir le débat

  • Selon les données de l’Observatoire du Film et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les femmes représentent environ un tiers des réalisateurs et scénaristes en Belgique francophone. En 2019, 32% des réalisateurs étaient des femmes, contre 35% en 2018. Quant aux scénaristes, les femmes représentaient 36% des auteurs en 2019, contre 38% en 2018.
  • En ce qui concerne la présence des femmes dans les études du cinéma, une enquête menée en 2018 par l’Université libre de Bruxelles (ULB) a montré que les femmes représentaient 60% des étudiant.e.s en master en études cinématographiques. Cependant, cette proportion tombe à 30% pour les doctorats.
  • Toujours selon cette enquête de l’ULB, les femmes sont également sous-représentées dans les postes académiques en études cinématographiques. En 2018, seulement 28% des professeurs en études cinématographiques à l’ULB étaient des femmes.
  • Enfin, en ce qui concerne les récompenses dans l’industrie cinématographique belge, les femmes sont également sous-représentées. Selon les données de l’Académie André Delvaux, qui organise les Magritte du cinéma (l’équivalent des César français), seules 22% des nominations dans les catégories de réalisation et de scénario ont été attribuées à des femmes en 2020.
  • De 2010 à 2014, on constate que les femmes sont majoritaires à la sortie des écoles de cinéma. 62% des personnes qui font le montage et le scripte sont des femmes. Dans le cinéma d’animation, 63% sont des femmes. Dans la technique de l’image, 30% sont des femmes. Dans un bachelier en réalisation, 55% sont des femmes. Dans un master en réalisation, 48% sont des femmes. Cependant, seulement 23% sont affiliées dans la réalisation, elles disparaissent donc une fois le diplôme obtenu (selon une étude de Jacqueline Bran).
  • Pour le financement public, beaucoup plus de candidats sont des hommes et beaucoup plus de dossiers acceptés appartiennent à des hommes. Cependant, 1/3 des dossiers appartenant aux femmes sont acceptés contre ¼ pour les hommes, cela veut dire que les dossiers des femmes sont en général plus acceptés. Par contre, les montants alloués sont plus élevés pour les hommes selon une étude de Jacqueline Bran).

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