Le nombre croissant de femmes touchées par l’alcoolisme met en évidence plusieurs particularités de cette dépendance, notamment le jugement social plus sévère qu’elles subissent. Malgré l’image associée à l’alcool comme une activité sociale agréable liée aux plaisirs de la vie, les conséquences d’une consommation excessive peuvent avoir des répercussions graves.

Une consommation au-dessus de la moyenne européenne

Pour la grande majorité d’entre nous, la consommation d’alcool n’est pas problématique. Nous ne sommes pas tous dépendants, adeptes de fêtes excessives ou, pire encore, stigmatisés en tant qu' »alcooliques ». Beaucoup d’entre nous sont généralement capables d’adopter une consommation socialement acceptée et raisonnable, même si elle est parfois ponctuée de quelques excès qui n’ont pas de conséquences majeures sur notre santé.

Malgré cela, d’après le rapport sur l’état de santé de la population belge, connu sous le nom de « Health Status Report » et réalisé par l’Institut belge de santé, Sciensano, les pays européens affichent les niveaux de consommation d’alcool les plus élevés au monde. La Belgique, avec une consommation moyenne de 12 litres d’alcool pur par habitant et par an, dépasse la consommation moyenne européenne et figure parmi les pays où la morbidité liée à l’alcool est élevée.

Effectivement, les données de 2018 indiquent que 7,4 % des hommes et 4,3 % des femmes âgés de 15 ans et plus ont déclaré une consommation d’alcool à risque, dépassant respectivement 21 verres par semaine pour les hommes et 14 verres par semaine pour les femmes. Heureusement, une tendance positive se dessine, avec une diminution de cette prévalence au fil du temps.

La consommation d’alcool est également bien ancrée dans les mœurs des jeunes de notre pays. Parmi les jeunes de 15 à 24 ans, environ un sur dix a rapporté avoir eu un épisode hebdomadaire de « consommation d’alcool à risque en une seule occasion », c’est-à-dire avoir consommé au moins 6 verres d’alcool en une seule occasion. De plus, environ un jeune sur dix remplissait les critères de « consommation problématique d’alcool » au cours des 12 derniers mois, tels que définis par le questionnaire CAGE.

Le test « CAGE » est un outil simple composé de seulement 4 questions :

  1. Vous êtes-vous déjà senti coupable au sujet de votre consommation d’alcool ?
  2. Avez-vous déjà ressenti le besoin de réduire votre consommation d’alcool ?
  3. Avez-vous déjà ressenti le besoin de boire de l’alcool tôt le matin pour vous sentir bien ?
  4. Votre entourage vous a-t-il déjà fait des remarques concernant votre consommation d’alcool ?

Les résultats du test sont les suivants :

  • Si vous avez répondu « Oui » à l’une de ces questions, cela indique un risque de conséquences négatives liées à la consommation d’alcool.
  • Si vous avez répondu « Oui » à au moins 2 questions, il est probable que votre consommation d’alcool soit excessive et problématique. Il est important de rester vigilant(e), car cela peut entraîner de graves problèmes de santé.

Certaines femmes se cachent encore pour boire

Selon plusieurs études, on constate que la consommation d’alcool chez les femmes atteint son niveau le plus élevé vers l’âge de 27 ans. Les comportements à risque liés à l’alcool sont présents dans toutes les catégories socioprofessionnelles et tous les secteurs d’activité. Toutefois, il a été observé que les femmes exposées à des environnements professionnels stressants ou confrontées à un stress quotidien avaient un risque plus élevé de développer une consommation excessive d’alcool au quotidien.

La société tend à avoir des perceptions différentes envers les hommes et les femmes en ce qui concerne la consommation d’alcool. Alors qu’un homme qui boit est souvent perçu comme se détendant ou profitant de bons moments, une femme qui boit peut être jugée plus sévèrement, stigmatisée et considérée comme commettant une faute. Ces représentations persistent et beaucoup de femmes ressentent de la honte et se sentent obligées de dissimuler leur consommation d’alcool.

Des différences biologiques

Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et addictologue, a ouvert la première consultation d’alcoologie réservée aux femmes à l’hôpital Sainte-Anne, à Paris, en 2008. Selon ses observations et différentes études disponibles, plusieurs facteurs expliquent pourquoi les femmes sont plus sensibles aux effets de l’alcool que les hommes. Leur rapport poids/taille différent les rend plus vulnérables, ce qui entraîne une absorption et une distribution plus élevées de l’alcool dans leur organisme. De plus, les femmes ont tendance à ressentir les effets de l’alcool plus rapidement et peuvent avoir une tolérance plus faible. Le volume de distribution plus faible chez les femmes signifie que l’alcool reste concentré plus longtemps dans leur sang et leurs tissus. Les femmes présentent également une diminution plus importante des contractions de l’estomac, ce qui entraîne une élimination plus lente de l’alcool. Des variations génétiques peuvent également jouer un rôle dans l’activité des enzymes impliquées dans le métabolisme de l’alcool chez les femmes.

Plus encore, il semblerait que les variations hormonales qui surviennent pendant le cycle menstruel peuvent jouer un rôle significatif en influençant le métabolisme de l’alcool chez les femmes. La prise de contraceptifs oraux et la transition vers la ménopause peuvent également accroître la vulnérabilité des femmes à l’égard de la consommation d’alcool. Les œstrogènes, des hormones présentes en plus grande quantité chez les femmes, pourraient interagir avec le système de récompense du cerveau lors de la consommation d’alcool. Ces interactions pourraient avoir des conséquences sur les réponses et les comportements associés à la consommation d’alcool chez les femmes. Cependant, il est important de noter que la recherche dans ce domaine est en cours et que des études supplémentaires sont nécessaires pour approfondir notre compréhension de ces interactions hormonales complexes et de leur influence sur la consommation d’alcool chez les femmes.

Accepter, en parler et se faire soigner

Les évolutions sociétales ont conduit à des changements significatifs dans les rôles et les responsabilités des femmes. Lorsqu’elles entrent sur le marché du travail, elles se retrouvent souvent confrontées à un cumul de responsabilités, tant sur le plan professionnel que familial. La charge mentale associée à ces multiples responsabilités peut rendre les femmes plus vulnérables.

Malheureusement aussi, l’alcool est souvent impliqué dans les différentes formes de violences auxquelles les femmes sont confrontées dans notre société patriarcale. Les violences sexuelles, la culpabilité et la stigmatisation sont des problèmes préoccupants et complexes qui peuvent être exacerbés par la consommation d’alcool. Les femmes peuvent être particulièrement vulnérables aux abus et aux situations dangereuses lorsque l’alcool est impliqué.

Plus aucun doute donc… Les risques liés à la consommation d’alcool chez les femmes sont multiples et variés. Ils vont du risque de suicide et de dépression aux problèmes de santé tels que le cancer du sein, l’hypertension artérielle et les cardiomyopathies. Il est essentiel de prendre conscience de ces problèmes et de promouvoir des environnements sûrs et respectueux pour les femmes, où leur voix est écoutée et prise en compte.

La sensibilisation, l’éducation et les actions visant à remettre en question les normes et les attitudes préjudiciables jouent un rôle crucial dans la prévention des conséquences négatives associées à la consommation d’alcool chez les femmes. En travaillant ensemble pour créer une société plus égalitaire, où les femmes sont soutenues et valorisées, nous pouvons contribuer à réduire les risques pour leur santé et leur bien-être.

Il est également important d’encourager les femmes à chercher de l’aide et du soutien en cas de problèmes liés à l’alcool. Les services de santé, les professionnels spécialisés dans l’alcoologie et les associations dédiées sont là pour offrir un accompagnement et des ressources adaptées. En unissant nos efforts, nous pouvons promouvoir la santé et le bien-être des femmes, et contribuer à construire une société plus inclusive et bienveillante où chacun peut s’épanouir.

Lire aussi