Les faits sont là : en moyenne, les hommes sont fertiles 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. Les femmes, quant à elles, le sont seulement quelques jours par mois. Pourtant, ce sont ces dernières qui, depuis le développement de la pilule dans les années 60, portent souvent seules le poids de la contraception. Dans nos avancées vers plus d’égalité entre les femmes et les hommes, la répartition égalitaire de la charge contraceptive parait être une étape nécessaire. Cette dernière ayant effectivement un poids financier, moral (charge mentale) et physique (effets secondaires) non négligeable.

Un article qui fait suite au dépôt au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’une proposition pour améliorer le partage de la contraception.

→ Découvrir le projet complet pour le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Aujourd’hui, dans les couples hétérosexuels, 68% de femmes utilisent un moyen de contraception, pour 33% d’hommes, parmi lesquels 60% citent le préservatif. Cette asymétrie est due en partie à un manque de développement, d’information, d’éducation et de sensibilisation sur la contraception masculine, qui est sommairement réduite au préservatif, au retrait et à la vasectomie (contraception définitive). Il existe pourtant d’autres contraceptifs masculins, comme la contraception hormonale ou thermique.

Alors pourquoi ce silence autour de la contraception masculine ?

Il faut d’abord rappeler le contexte de société dans lequel cette question prend place. D’une part, la santé des femmes est majoritairement étudiée par le prisme du rôle de procréation de la femme : on étudie l’efficacité de la contraception, la fertilité, la ménopause, la grossesse, la périnatalité, etc. D’autre part, on laisse de côté certains aspects de leur santé. La société ferme les yeux sur les risques et effets secondaires liés à la contraception hormonale – par exemple, l’augmentation des thrombose chez les femmes qui prennent la pilule -, et on diagnostique très tardivement des pathologies lourdes comme l’endométriose, sous couvert de stéréotypes qui font de la douleur des menstruations un phénomène « normal ».

Le développement de la contraception masculine n’a donc pas beaucoup d’espace pour émerger dans le débat public. Et il se heurte à de nombreux obstacles.

Tout d’abord, l’industrie pharmaceutique brandit l’argument du marché. Pas de demande, pas de raisons d’améliorer l’offre. C’est en tous cas ce que défendait le patron de l’entreprise Mithra de contraception hormonale pour femmes récemment.

Ensuite, les professionnels de la santé ne sont pas suffisamment formé à cette question. La Belgique n’offre pas de cursus d’andrologie – spécialistes de la fertilité masculine – qui pourrait d’une part, former des professionnels, et d’autre part, éveiller l’intérêt scientifique pour la question. Plus que ça, le secteur de la santé souffre de biais de genre pesant. Engendrant par exemple des variation dans le traitement de ces questions. Des témoignages révèlent à quel point il est difficile pour un homme de trouver un professionnel qui acceptent de pratiquer une vasectomie.

Du côté du terrain, des enseignant.e.s, des plannings familiaux, des associations, l’intérêt est, lui, grandissant. Certaines expériences pilotes sont menées avec succès. Le tout premier colloque de 2020 sur la contraception masculine a été un franc succès. Ce sont là de belles manières de faire avancer les choses, en s’appuyant sur l’éducation et la sensibilisation pour faire émerger cette fameuse « demande » qui semble insuffisante.

Les éléments du plan déposé au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles :

  • Sensibiliser les jeunes tout au long de leur parcours scolaire aux questions de genre, en ce compris la responsabilité commune de la contraception, et d’encourager l’accès à l’information en matière de contraception ;
  • S’assurer que l’information fournie dans les établissements scolaires sur les moyens de contraception soit complète et reprenne les avantages et inconvénients des moyens contraceptifs, ainsi que leurs effets physiologiques (par exemple en ce qui concerne la pilule) ;
  • Renforcer la formation des enseignants sur ces questions ;
  • Lancer une campagne de sensibilisation aux différentes méthodes de contraception masculine et féminine, et à la responsabilité partagée de la contraception ;
  • Promouvoir et de soutenir, avec les associations, des activités autour de la contraception partagée (colloques, séminaires, ateliers, etc.) ;
  • Sensibiliser les établissements d’enseignement supérieur à la nécessité d’intégrer les questions relatives au partage de la responsabilité de la contraception ;
  • Prévoir la réalisation d’une étude tant quantitative que qualitative sur la réalité des normes contraceptives actuelles et des freins liés à l’utilisation, à la recherche et à la production de contraceptifs masculins ;
  • Encourager, (via de futurs appels à projets) la recherche scientifique sur la contraception masculine ou la contraception féminine sans hormone.

→ Découvrir le projet complet pour le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour en savoir plus …

Mon interview pour LN24 sur la contraception masculine, aux côtés de Jules Bruyneel, qui utilise cette contraception.

Le colloque « Focus sur les couilles », organisé par l’ASBL O’Yes en 2020 (une seconde édition est prévue pour 2021).

L’ASBL FEMMESProd qui s’est penchée sur la contraception masculine et qui offre des formations sur la question.

L’association ARDECOM (Association pour la Recherche et le Développement de la COntraception Masculine)

Le mémoire de recherche de Laurence Stevelinck : La contraception masculine, où sont les hommes ?

Enquête Solidaris sur la contraception (2017)

Dossier Médor de Dounia Salimi sur la contraception masculine, mettant notamment en avant le travail du Docteur Murillo, très à la pointe sur la question

Dossier Alter Echos sur la contraception masculine