« Si vous voulez connaître la véritable position des femmes dans la société, regardez la file d’attente pour les toilettes », affirme Dr. Clara Greed.
Permettez-moi un petit détour historique pour commencer. Les premiers urinoirs publics ont vu le jour aux alentours des années 1835 à Bruxelles. Ils étaient par définition utilisés et pensés pour les hommes. Cette mise en contexte historique peut légitimement interroger : comment faisaient donc les femmes pour satisfaire leurs besoins dans les lieux publics à Bruxelles à l’époque ? La réponse est simple : rien n’est prévu pour les femmes dans l’espace public jusque dans les années 1980. Aller au petit coin, en ville, au 19ème siècle restait une affaire exclusivement masculine, et renvoyait en réalité à des questions de genre. “Les premiers urbanistes assignaient aux femmes une fonction de passantes furtives dans la ville. Elles n’avaient pas à y faire leurs besoins. Encore moins gratuitement.” La place des femmes, rappelons-le, était à la maison.
Revenons désormais en 2020 : sommes-nous, depuis, devenu·e·s égaux et égales devant la porte des toilettes à Bruxelles ?
4 constats et chiffres méritent d’être présentés ici :
- A Bruxelles semble que seulement 30% des sanitaires publics sont accessibles aux femmes. Avec 16 toilettes publiques pour 37 urinoirs en Région Bruxelloise
- Le temps moyen d’attente aux toilettes pour une femme est de 5 minutes (contre 2,3 fois mois de temps pour les hommes)
- Les femmes courent davantage un risque de harcèlement sexuel lorsque les sanitaires publics ne sont pas suffisamment sécurisés et/ou accessibles. Le manque d’infrastructures appropriées et l’accès limité aux installations d’eau et sanitaires exacerbent la vulnérabilité des femmes et filles face à la violence de genre.
- Les femmes ont d’autant plus besoin des toilettes qu’elles doivent changer leurs protections périodiques régulièrement, pour des raisons de santé.
Rendre l’espace public inclusif, c’est faire en sorte que chaque personne s’y sente à sa place et en sécurité. Plus encore, c’est travailler à ce que cet espace public puisse être le lieu de toutes les activités : loisir, vie sociale, travail, culture. Si l’on veut que nos rues cessent de n’être que des lieux de transit, elles doivent se repenser autour des besoins des hommes, des femmes et des enfants qui les occupent. Il faut éviter à tout prix qu’elles soient le lieu où se reproduisent les inégalités sociales et de genre.
Des solutions peuvent être développées :
- Garantir l’accès juste et équitable à des sanitaires gratuitement dans l’espace public ;
- Envisager la mise à disposition de toilettes mixtes, qui pourraient être plus inclusive pour toutes les identités de genre, comme elles existent par exemple à Londres ;
- Apolline Vranken, architecte et fondatrice de L’architecture qui dégenre, suggère de se pencher sur les infrastructures déjà existantes et travailler sur comment rendre les toilettes dans les restaurants, cinémas et autres, accessibles sans condition, sans être client.e ;
- Réfléchir à la question des urinoirs féminins durables, tels qu’ils ont été imaginés par une chercheuse.
La Ministre de la Mobilité, Elke Van Den Brandt, a déjà quelques solutions sous le coude. En lire plus !