La fabrication d’1 kilo de vêtements équivaut à l’utilisation de 466 grammes de produits chimiques. 20% de la pollution des eaux dans le monde serait liée au secteur textile. Le salaire moyen d’une femme qui travaille dans le secteur textile au Bangladesh est de 0,3 dollars de l’heure. 20% de coton est produit dans la région Xinjiang, la Région des camps de travail Ouïghours. C’est un jeu de domino, où la fabrication de ces vêtements que nous portons repose sur le travail précaire des autres, tout en ayant un impact catastrophique sur la planète et l’environnement. Oui, la mode est politique. Retour sur le travail d’Ecolo sur la question.
S’habiller. Quoi de plus élémentaire. Un geste que les humains accomplissent depuis des centaines d’années. Anodin ? Pas tant que ça. Pourquoi les vêtements pour femmes n’ont jamais de poches ? Pourquoi les vêtements pour les petites filles sont-ils plus cintrés et moulants que ceux pour les petits garçons ? Pourquoi il est plus accepté que les hommes se promènent torse-nu ? Pourquoi les talons sont-ils aujourd’hui portés par les femmes ? Quid de la publicité de mode et de ses ficelles sexualisantes ? Nous nous habillons en appliquant des codes. Et comme souvent, ces codes sont profondément genrés.
Ajoutons à cela. L’industrie du textile est l’un des secteurs à l’impact environnemental le plus élevé, tant en termes d’utilisation des ressources naturelles que d’émissions de gaz à effet de serre. Au niveau mondial, l’industrie de la mode représente 4 % des émissions mondiales. La fabrication d’un seul t-shirt en coton est estimée à 2 700 litres d’eau douce. Une catastrophe pour l’environnement, vous l’aurez compris.
« L’écoféminisme c’est dénoncer ce qui est au cœur de notre système économique et social qui est la prédation. On prend, on utilise et on jette. » Sandrine Rousseau.
Compte tenu de ces deux grilles de lecture, la « mode autrement », aussi appelée slow fashion, est une illustration riche de l’écoféminisme, parce qu’elle est à la croisée de deux systèmes de domination capitaliste, sexiste et colonialiste : celui des humains sur la nature et celui des hommes sur les femmes et minorités de genre.
Il s’agit de revaloriser ce que l’on a sur le dos, et le travail qui est nécessaire pour le créer. Les vêtements ne se produisent pas en un coup de baguette magique, ils nécessitent un savoir-faire, du temps, des matériaux plus ou moins difficiles à produire. Il s’agit d’être conscient.e de chaque étape de la production. D’utiliser des lois internationales pour améliorer les conditions de travail dans le secteur textile, qui est le secteur économique le plus dévalorisé. De travailler à renforcer le cadre légal qui empêche l’importation de vêtements fabriqués dans des conditions inhumaines par des femmes, et même parfois des enfants. Pour que la mode ne soit pas le moteur d’une nouvelle forme de colonisation, comme le coton autrefois.
Mais aussi de diminuer l’impact écologique de toutes ces étapes. Avec la difficulté que nous nous sommes habitué.e.s aux t-shirts de grande enseigne à 2 ou 3 euros. Soutenir les filières de recyclage des tissus, notamment parce que moins d’1% des vêtements sont recyclés. Favoriser le secteur de la seconde main, qui a largement le vent en poupe, puisque 7 belges sur 10 déclarant acheter des biens d’occasion. Ou encore, plus en amont, favoriser les matières les moins polluantes et diminuer les traitements chimiques.
Enfin, de déconstruire les codes genrés de la mode, et de faire en sorte que les vêtements conviennent au plus grand nombre, quels que soient les corps qui les portent. Les vêtements non genrés, pour les corps gros, pour les personnes en situation de handicap. Repenser le vêtement comme un accessoire utile, pratique, confortable. C’est autant de changements culturels qui se dessinent doucement, avec des initiatives diverses.
Alors, on change ou on se change ?
A lire pour aller plus loin
Étude « Slow Fashion : la nécessaire transition de l’industrie du textile et de l’habillement » par Ecolo
Article de blog « Slow fashion : des vêtements, autrement » par Margaux De Ré
Étude « Environmental cost of ‘fast fashion’ is not sustainable »
Ouvrage « La mode est politique : Un bref lexique inclusif » par Mélody Thomas
La série « Girlboss » pour quand on a pas envie d’aller fouiller dans une friperie, mais qu’on veut s’inspirer d’une super nana qui fait de l’upcycling ultra design et qui vit plein d’aventures sans complexes
Le compte Instagram @young_emperors qui promeut la mode gender-fluid
Le podcast de Charlotte Bien-aimé sur l’écoféminisme : https://www.arteradio.com/son/61662635/ecofeminisme_1er_volet_defendre_nos_territoires_21