« On pense souvent, à tort, que l’égalité, c’est une volonté de rendre tous les gens pareils. De créer de l’homogénéité. D’aplanir. De lisser. C’est faux. L’égalité, c’est donner la même place dans la société à toutes et tous : aux hommes, aux femmes, aux personnes transgenre, bi-genre, non-genrée, genderfluid, intersex, etc. »
Débat sur la santé sexuelle des femmes au Parlement ! Je vous mets ici mon intervention complète:
Pour ce débat, j’ai choisi de ne pas revenir sur les constats, que les actrices et acteurs de terrains connaissent mieux que quiconque. Je vais plutôt tâcher de vous raconter une histoire. Celle d’une société plus égalitaire sur le plan de la santé sexuelle.
Règles, ovaires, orgasme, désir, avortement, utérus.
C’est l’histoire d’une société où le fait de prononcer ces 6 mots au sein d’une telle assemblée ne provoque aucune forme de gêne. Ni pour moi qui les prononce, ni pour vous qui les entendez.
C’est l’histoire d’une société où Maryam, une jeune étudiante, est victime du harcèlement d’un de ses professeurs. Elle reçoit d’abord de sa part des remarques sur son physique, ses tenues. Il l’interroge sur sa vie privée. Il la convoque dans son bureau pour se retrouver seul à seul avec elle. Un jour, alors qu’elle consulte la copie d’un de ses examens, il la force à l’embrasser. Le dossier est pris en charge par l’école et la police. Il est accusé de harcèlement sexuel. Il est écarté de l’école dès le lendemain. Maryam reçoit aide et soutien psychologique. Non sans cicatrice, elle finit par retourner à l’école. Son ami Liam s’installe à côté d’elle : “rah, quel sale type ! Tu sais, ma grand-mère m’a raconté : de son temps, on disait dans la presse qu’une femme sur 5 était victime de viol, mais que plus de la moitié des plaintes étaient classées sans suites. T’imagines ! Sans suites ! Genre comme si toi, tu venais à l’école aujourd’hui et tu croisais le prof qui t’a harcelée ! C’est dingue.”
C’est l’histoire d’une société qui voit une de ses femmes, Kim, se présenter aux urgences pour des douleurs au ventre. L’équipe médicale qui l’accueille lui pose une longue série de questions. “Est-ce que vous avez vos règles ?” “Oui ! Depuis hier …” “Est-ce que vous portez un tampon ou une coupe menstruelle ?” “Euh, oui, je porte une cup depuis ce matin”. Quelques testes plus tard, on lui diagnostique un choc toxique. Juste à temps. On la soigne. Une infirmière qui vient s’assurer que tout va bien pour elle quelques jours plus tard à son domicile, lui raconte : “vous savez, avant, il y avait des femmes qui ne survivait pas à ce genre de choses. A l’époque, on était peu formé à ce type d’infection foudroyante. Quelle chance nous avons”.
C’est l’histoire d’une société qui vient de faire une découverte incroyable. Un gel couvrant pour le pénis, à utiliser lors d’une relation sexuelle, et qui permet de ne pas avoir d’enfant ! Le produit naturel est en délivrance libre, et il serait plus fiable qu’un préservatif. Des chercheurs et chercheuses du monde entier s’activent depuis plusieurs décennies à trouver des alternatives à la contraception hormonale. Après une vague tentative pour développer de la contraception hormonale pour les hommes, des études ont prouvé que ces prises d’hormones répétées étaient à l’origine d’effets secondaires importants. “Chérie, tu as vu, Bayer annonce la chute des ventes de pilule contraceptive pour femmes !” “Ouais, c’était vraiment plein d’effets secondaires. Et puis tu sais bien, c’est toi qui la payait : la pilule c’est cher, il faut une prescription, il faut y penser chaque jour. Bon moi j’ai de la chance c’est toujours toi qui t’es occupé de tout, mais il parait qu’avant, les mecs n’en avaient rien à faire de la contraception ! C’est dingue.”
C’est l’histoire d’une société qui garantit la santé sexuelle de ses femmes, et la première étape est qu’on puisse lever les tabous qui pèsent sur leur santé, sur leurs corps, sur leurs maladies, et que l’on admette une fois pour toute la charge mentale qui pèse sur elle.
C’est l’histoire d’une société qui voit les femmes d’un autre oeil, qui les considère comme des égales de l’homme, et qui en même temps ne nie pas les spécificités liées au fait qu’elles sont femmes. On pense souvent, à tort, que l’égalité, c’est une volonté de rendre tous les gens pareils. De créer de l’homogénéité. D’aplanir. De lisser. C’est faux. L’égalité, c’est donner la même place dans la société à toutes et tous : aux hommes, aux femmes, aux personnes transgenre, bi-genre, non-genrée, genderfluid, intersex, etc.
Et s’il est fondamental aujourd’hui de parler des femmes, et non de la femme, c’est parce que notre vision de l’égalité est une vision pleine de reliefs et d’aspérités. L’égalité, c’est donner leur place aux femmes, à toutes les femmes. Celles qui aiment les femmes, les hommes, ou les deux, ou aucun des deux. Celles qui ont porté la vie, celles qui luttent pour rester en vie. Celles qui ont mal pendant leurs règles, celles qui n’ont pas peur de les enfreindre, les règles. Celles qui sont noires, métisses, asiatiques, blanches, qui ont les cheveux blonds, ou même rose fluo, tantôt à l’aise dans leur corps, tantôt étrangère à celui-ci. Celles qui prient, celles qui courent, celles qui rient, celles qui n’entendent pas ou ne voient pas, et puis celles qui se battent.